CUGNOT 1771


CUGNOT Nicolas Joseph

Ingénieur militaire Français, 25 sept 1725 Void Vacon, 2 octobre 1804

Ses observations sur l'artillerie, le transport et la fortification lui donnent quelques idées d'inventions ; ainsi, il met au point un fusil spécial utilisé par les militaires à cheval. Cependant, ayant d'autres perspectives, concernant entre autres les machines à vapeur, il se retire de l'armée en 1763, pour se consacrer à ses propres recherches.

Ses grands projets et son heure de gloire

Son travail reste quand même axé sur le domaine militaire. Après un bref séjour à Bruxelles, Cugnot rentre à Paris et publie en 1766 Éléments de l'art militaire ancien et moderne, et, en 1769, Fortification de campagne théorique et pratique, ouvrage qui rencontrera un certain succès, grâce auquel il se fait connaître dans les milieux militaires. Son concept de voiture à vapeur, jusqu'alors jamais envisagé, est pris au sérieux. Il faut rappeler que la technologie toute nouvelle de la machine à vapeur (voir Denis Papin et James Watt) est alors un domaine de recherche de pointe.


Il se trouve de plus, par chance, que le duc de Choiseul, ministre des affaires étrangères, de la guerre et de la marine, tente au même moment de développer l'artillerie ; Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval, l'ingénieur militaire délégué à ces missions, donne alors sa chance à Cugnot et au fardier de celui-ci. Lui-même très intéressé, Choiseul soutient la construction d'un premier prototype « aux frais du roi » en 1769. Les essais seront menés en octobre.

Ceux-ci sont concluants, malgré quelques problèmes techniques. La construction d'un second prototype en vraie grandeur est alors ordonnée par Gribeauval : c'est un grand tournant dans la carrière de Cugnot : le coût exorbitant du projet et les fortes réserves émises par les ingénieurs quant à sa « faisabilité » n'ont pas suffi à invalider le programme !

On peut considérer que le Fardier de Cugnot est le premier véhicule à moteur, malgré les problèmes et difficultés rencontrés 

Multiples embûches et oublis

La suite de la vie de Cugnot sera cependant semée de déconvenues. Le véhicule « grandeur nature » étant prêt en 1770, ses premiers essais ont lieu en novembre de cette année à Vanves. Un premier accident survient : on ne parvient pas à freiner le fardier qui détruit un mur en le percutant. Malgré ce contretemps, d'autres essais sont prévus. Surcroît de malchance, alors que l'engin est réparé en juin 1771, Cugnot perd deux de ses précieux soutiens, Choiseul et Gribeauval : le premier quitte ses fonctions un an plus tôt ; le second se voit privé de l'appui financier nécessaire, le nouveau ministre montrant moins d'intérêt que son prédécesseur pour l'innovation (et de ce fait néglige le projet,). 

Les essais ne peuvent se poursuivre. Le prototype sera donc entreposé à l'Arsenal, où il tombe dans l'oubli. A partir de ce moment, on n'entend plus parler de Cugnot dans le domaine militaire. Il continue cependant ses recherches seul : il publie en 1778 Théories de la Fortification. A partir de 1779, il touche une pension de 660 livres par an, eu égard à l'intérêt de ses inventions. Dix ans plus tard, alors qu'éclate la Révolution française à Paris, il perd ses revenus et part en Belgique. En 1800, après son retour à Paris, une maigre rente du Consulat lui est attribuée, grâce à laquelle il peut finir sa vie sans soucis financiers. Cugnot meurt en octobre 1804 à Paris, sans descendance. 

Un projet ambitieux pour l'époque

Les dimensions du véhicule sont impressionnantes : 7,25 m de long, 2,19 de large. Les roues arrière ont 1,23 m de diamètre. Il ne pèse pas moins de 2,8 tonnes à vide et environ 8 tonnes en charge : ancêtre, outre de l'automobile, de nos chars d'assaut modernes, le fardier est avant tout conçu pour le transport des canons. La célèbre « marmite », cuve à eau du système de propulsion, a près d'un mètre cinquante de diamètre. La réalisation d'un tel "programme" nécessite donc des fonds considérables : il coûte environ 20 000 livres de l'époque, c'est à dire entre 300 000 et 450 000 euros ! L'armée ne lésine donc pas, ce nouveau système de transport d'armes lourdes suscite un intérêt indéniable.

C'est grâce au soutien financier de Gribeauval et de Choiseul que le second fardier sera construit après les essais du premier en 1769 : on fait alors appel à Brezin dès avril 1770 pour le lancement du « chantier » ; les pompes (cylindres et pistons) sont fabriquées à l'Arsenal de Strasbourg. Rien n'est refusé au bon déroulement de ce projet d'avant-garde. Le « chariot à feu", après sa réparation (cf. accident de 1770), est prêt en juin 1771.

Le Fardier dans le détail

Le véhicule se compose de deux parties principales : le moteur (foyer et chaudière), c'est à dire la marmite située à l'avant, énorme récipient sous pression en cuivre, et le châssis constitué de deux poutres longitudinales reliées par des traverses en bois, structure où doivent prendre place le conducteur et le chargement. La charge repose essentiellement sur les deux grandes roues arrière. S'agissant de la partie avant, propulseuse, les idées de Cugnot sont déjà novatrices : le "moteur" est constitué d'une machine à vapeur à deux cylindres, les pistons entraînant une unique roue motrice. 

La marmite alimente la machine à vapeur grâce à un système de transmission de vapeur d'eau sous pression. La machine entraînant la roue motrice par galets est le prototype simplifié des locomotives à vapeur du siècle suivant : la révolution industrielle est en marche. L'appellation « Fardier » désignait ce type de chariots destiné au transport des charges très lourdes (fardeau). 

Fonctionnement et utilisation du Fardier

Le "Chariot à feu" de Cugnot est le premier véritable et unique prototype de véhicule automobile capable de transporter un adulte de l'histoire humaine, et c'est aussi la première machine à vapeur à rotation. C'est dire son importance historique dans l'histoire des techniques. Le fardier utilisait un moteur dérivé de la machine de Thomas Newcomen pour faire tourner une roue motrice unique à l'aide de deux pistons transmettant l'énergie fournie par une chaudière à vapeur. Comme on le voit sur l'illustration, la "marmite" contenait une réserve d'eau portée à ébullition par un foyer a bois, la vapeur se transmettant par un tuyau à deux pistons engendrant un mouvement circulaire de la roue (machine dite "atmosphérique" de type Newcomen). Le véhicule disposait de quatre commandes : le frein, les poignées de direction (sorte de volant qui agissait sur la roue motrice), une tringle (qui jouait le rôle d'accélérateur en actionnant le robinet de vapeur), ainsi que deux cliquets inversant le mouvement à double effet des pistons, entraînant une marche arrière.

N'étant qu'un prototype, le fardier souffre de graves défauts de jeunesse. Tout d'abord le démarrage est excessivement long : l'eau doit atteindre la température voulue. Les combustibles se consument en outre très rapidement. Les pauses pour recharger le moteur sont donc fréquentes : toutes les douze minutes environ. De plus, le Fardier, lorsqu'il est en côte, ne développe plus assez de puissance du fait de la faible pression de la vapeur. Les passagers (s'il y en a) doivent alors aider le chauffeur en le poussant l'engin, ce qui, eu égard à son poids excessif, est un inconvénient majeur ! Cugnot n'a pas résolu le problème du freinage, qui pouvait être fatal en descente : la simple pédale qui sert de frein est pratiquement inopérante dans ce cas. 

Enfin, la vitesse maximale, bien que constituant un succès scientifique remarquable, (entre 3,5 et 4 km/heure) permettait néanmoins tout juste de suivre une armée à pied. En dépit de son utilité certaine dans le transport de charges lourdes, le Fardier de 1771 n'était pas, en l'état, capable de remplacer efficacement les chevaux. 

Nonobstant, hélas, la mise au rencart prématurée du programme, le génial Cugnot eût très probablement remédié aux inévitables défauts d'une technologie balbutiante, accélérant peut-être de cinquante ans l'avènement des transports mécanisés qui devaient changer la face du monde.

 La transmission piston / roue avant se faisait par un système à cliquet dit aussi « à rochers »

Le piston avait un mouvement vertical, et appuyait directement sur les dents d'une roue.

Il y avait bien sûr deux cylindres, et deux roues à cliquets (une de chaque côté de la roue avant !). Le mouvement est bien sûr synchronisé pour éviter que la dent suivante bloque le piston lorsqu'il remonte.

Ce système a l'intérêt de sa simplicité, mais aussi de sa fragilité !

De nos jours, il est toujours utilisé (clef à cliquets, rupteur électrique...). Le même principe à été utilisé sur les montres (jusqu'à l'électronique !)